Patrick Campeau
Nous avons la chance de pouvoir exploiter une multitude de sites incroyablement giboyeux et poissonneux.
Vous connaissez l’adage populaire qui dit que là où il y a des hommes, il y a de l’hommerie ! Sachez que là où il y a de la chasse et de la pêche, il y a souvent des péchés ! On peut heureusement se fier aux agents de conservation de la faune pour préserver notre héritage collectif et ses richesses.
Le 9 août dernier, j’ai eu l’opportunité d’accompagner deux gardes-chasse, comme plusieurs les appellent, dans la région de Montréal.
Ils m’ont expliqué qu’au cours de la soirée, ils feraient de la surveillance à distance et ils procéderaient à des vérifications d’usage. Je pouvais assister au déroulement de toutes les opérations, sans évidemment m’interposer physiquement ou verbalement.
DÉBUT DES INTERVENTIONS
Le premier site est reconnu pour être fréquenté par des braconniers qui pêchent des gobies à taches noires, pour ensuite les utiliser ensuite à titre de poissons-appâts afin de capturer diverses espèces, dont l’esturgeon. Il faut savoir que ces géants se vendent sur le marché noir à plus de 9,50 $ la livre, et ce, sans même être éviscérés.
Habillés en civil, les agents s’approchent discrètement de l’endroit ciblé et s’assoient sur un banc de parc, à une distance d’environ 300 mètres. L’un d’eux a une paire de jumelles pour repérer les malfrats et l’autre a une caméra vidéo avec un puissant zoom. Ils se doivent d’agir ainsi, car ils ont remarqué que ce réseau avait des personnes qui font le guet pour signaler la présence des intervenants en uniforme. Les hors-la-loi coupent alors leur fil à pêche, lancent leur canne à l’eau, font comme si leur deuxième et troisième perche n’est pas à eux, etc. Les preuves captées par l’objectif serviront à démentir les différents mensonges qui leur seront racontés par la suite.
Le temps maussade et la pluie étaient malheureusement de la partie. Il n’y avait donc que très peu de gens à cet endroit et ils agissaient en toute légalité.
Nous nous rendons ensuite à l’île Ste-Hélène. Un accident entre deux voitures vient de se produire. Étant les premiers sur les lieux, ces agents de la paix ont vérifié l’état des passagers. Il n’y avait heureusement rien de grave à signaler. Pour faciliter l’arrivée de la police et de la remorqueuse, mes valeureux hôtes se sont assurés de faire activer la circulation.
Arrivés sur place, ils ne constatent aucune activité illicite.
INTERVENTION LOUFOQUE
À pas feutrés, nous nous dirigeons sous le tablier d’un pont à proximité de l’Île-des-Sœurs. Un Asiatique d’environ 45 ans s’affaire à combattre un bel achigan. Il ne nous voit pas arriver, tant il est concentré. Lorsqu’il se tourne pour saisir sa capture, il nous aperçoit à moins de trois mètres derrière lui et nous dit dans un français très respectable : « Bonjour, vous allez bien ? ». Un des représentants de Mère Nature inspecte les lieux tout en interrogeant le monsieur, tandis que l’autre s’empresse de saisir le poisson par la gueule afin de vérifier quel type d’appât avait été utilisé. Il découvre alors que le pêcheur se servait d’un gobie. Ces petits intrus sont très prisés des malfaiteurs, car ils sont gratuits et faciles à attraper.
L’homme se met alors à bégayer et plus il parle, moins nous pouvons comprendre ce qu’il baragouine. Comme s’il s’agissait d’une comédie, il tente de faire croire à l’agent qu’il avait mis un ver sur son hameçon et qu’un gobie a dû s’emparer de ce dernier à son insu et qu’un achigan a finalement englouti le tout. Le constable lui dit avec ironie que lorsque le poisson-appât a mordu au lombric, il a dû le faire d’une façon très spéciale pour s’empaler l’hameçon sous la gueule et se le traverser directement entre les deux yeux, sur la tête. La personne interpellée a alors ajouté « Oui, oui, c’est ça. » Ce qui était encore plus drôle, c’est qu’il y avait un autre gobie vivant, dans une bouteille d’eau, à côté de lui, mais il jurait ne pas savoir à qui il appartenait.
Après vérification de son identité et de son permis de pêche, ce dernier qui feignait de ne plus rien comprendre en français ou en anglais fut avisé qu’il recevrait un avis de comparution par le courrier, dans quelques mois. Cette infraction pourrait lui coûter entre 200 et 250 $, plus les frais.
Le deuxième agent a découvert un vivier artisanal fabriqué avec des pierres, le long de la rive. Il contenait trois autres petites bouches. Celle qu’il venait d’attraper a été relâchée sur-le-champ par l’émetteur du constat. N’ayant pas pu observer la méthode de capture de ces dernières, ils n’ont pas pu les remettre à l’eau.
De retour vers le camion, un des deux agents regardait la rive avec beaucoup d’attention. Il cherchait des roches sans limon. Les malintentionnés prennent souvent une pierre sur le sol, y attachent une corde avec un élastique qui absorbera les coups lors du combat et la lancent à l’eau. N’étant pas recouvertes de matière aquatique végétale, elles sont faciles à reconnaître.
AUTRES VÉRIFICATIONS
Nous nous dirigeons maintenant du côté de LaSalle, le long du rapide. Quelques pêcheurs taquinent les dorés, mais tout est en règle. Les gens que j’accompagne laissent des cartes de visite avec l’adresse du site Internet du Ministère à ceux qui se plaignent qu’il n’y a plus de résumé en format papier. Ils leur rappellent également que les spécimens capturés et gardés doivent mesurer entre 37 et 53 cm, dans ce secteur.
Dans le parc à proximité, un couple de personnes âgées, ne parlant aucunement le français et ne comprenant que quelques mots d’anglais, pêchait de la rive. Tout semblait parfait, à part le fait qu’ils avaient un chevalier cuivré dans une petite cage de broche. Le monsieur ne semblait pas savoir que cette espèce est menacée et qu’on ne peut les conserver, mais nul n’est censé ignorer la loi. Cette personne recevra donc une amende d’environ 100 $ dans plusieurs semaines, par courrier.
TÂCHES ADMINISTRATIVES
Pour chaque infraction commise, les agents de protection de la faune doivent remplir toutes sortes de paperasses et de rapports. Il faut compter environ deux heures de travail pour enregistrer chaque méfait.
Les gars que j’ai accompagnés étaient très sympathiques. Chacun d’eux m’a avoué adorer son métier et avoir vraiment l’impression de faire une grande différence pour s’assurer que tout un chacun peut jouir des richesses collectives. Je considère vraiment qu’ils font un travail incroyable, avec les moyens du bord, comme le dit si bien l’expression populaire.
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Mike67