De chasseur à proie - Un trappeur a été piégé par des « taupes » et condamné à 67 000 $ d’amende Daniel Renaud
Journal de Montréal
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Gabriel Montambault qualifie « d’agents de répression » les agents de prévention. Ici, en 2010, le braconnier avait capturé 2 800 rats musqués.Si l’amende de 67 000 $ imposée, mardi, à un braconnier de Brigham, en Montérégie, frappe l’imagination, les circonstances qui ont mené à son arrestation, en décembre 2006, le sont tout autant. Comme les milliers d’animaux qu’il a trappés, Gabriel Montambault a été littéralement piégé par deux « taupes » de la faune.
« Je pensais que c’était des amis, des gens de confiance, mais en réalité, c’était des rats », lance Gabriel Montambault.
Lorsque le Journal l’a joint, hier, dans sa maison de Brigham, l’homme de 71 ans semblait encore sous le choc.
Le 6 décembre 2006, il a été sidéré lorsqu’une dizaine d’agents de conservation de la faune ont frappé violemment à sa porte afin de l’arrêter pour avoir chassé illégalement le cerf de Virginie.
Mais le coup de masse est venu deux jours plus tard lorsqu’il a appelé l’un de ses compagnons de chasse depuis plusieurs années pour lui demander s’il avait été arrêté lui aussi. « Non, on n’était pas du même bord Gaby », lui a-t-il répondu.
Gabriel Montambault a alors tout compris, mais il était trop tard.
Un coyote dans la bergerie
Tout a commencé quatre ans auparavant lorsqu’un homme se présente chez lui pour acheter des peaux de coyotes. « L’armurier du coin m’a dit que j’en trouverais ici », indique-t-il à Gabriel Montambault.
« Il m’en a acheté six », se souvient ce dernier. « On a commencé à jaser. Il me disait qu’il venait de Val-d’Or. On a commencé à chasser ensemble », raconte le septuagénaire.
Le nouvel ami est toujours très avenant pour Gabriel Montambault. Il dit travailler chez Eska et lui apporte des caisses de bouteilles d’eau.
Puis, quelques mois plus tard, ce nouvel ami amène un nouveau compagnon avec lequel des liens se tissent aussi rapidement.
« Les deux étaient toujours ensemble. Ils nous apportaient des cadeaux : des steaks d’orignaux, de caribou, des crevettes, du crabe et même des bouteilles de vin », énumère-t-il.
« Chaque fois qu’on les amenait à la chasse, après qu’ils aient tué un chevreuil, ils nous donnaient 100 $, mais on ne demandait rien », dit-il.
Cheval de Troie
« Je leur ai prêté mon chalet. À l’automne 2006, durant la saison de chasse, ils sont arrivés avec un fifth wheel et sont restés dans mon entrée, à 10 pieds de ma maison, branchés sur mon eau et mon électricité, durant deux semaines », décrit-il.
Selon Gabriel Montambault, la roulotte des taupes était en fait un cheval de Troie. Elle leur aurait servi à mieux les épier, lui et ses compagnons. « Ils prenaient des photos et nous espionnaient. En réalité, ils montaient leur preuve », dit-il.
Puis le 6 décembre, le chat (sauvage) sort du sac. « Au début des années 2000, un gars nous avait approchés, mais je l’avais dépisté. Je soupçonnais que c’était un agent de la faune et j’avais coupé les liens. Mais là, je n’ai rien vu venir », dit-il.
« Ils sont arrivés à 5 h du matin avec les flashlights (lampes de poche), des vestes anti-balles, des chiens renifleurs, pire que la Gestapo durant la Deuxième Guerre mondiale ».
M. Montambault se défend en disant que les deux taupes de la faune ont tué une dizaine de cerfs alors que lui n’en a pas tué.
Un an pour payer
Le juge Serge Boisvert de la Cour du Québec n’a pas considéré ses arguments et l’a condamné à 67 550 $ d’amendes notamment pour des cerfs qui ont été abattus depuis des véhicules sur l’autoroute 10 dans la région de l’Ange-Gardien.
Gabriel Montambault a un an pour payer la note salée.
« Je ne vais pas payer. Comment veux-tu que je trouve une telle somme ? Au coin de la rue ? », affirme le septuagénaire qui songe à porter le jugement en appel.