79e congrès de l'Acfas: le goéland, moins vidangeur qu'on le croit[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Selon le chercheur Martin Patenaude-Monette, il semble clair que les goélands à bec cerclé s'alimentent à des sources plus diversifiées qu'avant, peut-être parce que l'on déploie maintenant toutes sortes de moyens pour effaroucher les goélands de nos dépotoirs.Jean-François Cliche
(Sherbrooke) Dans la psyché populaire, on se représente généralement le goéland comme une sorte de pique-assiette dégénéré qui, incapable de se nourrir par ses propres moyens, crèverait immanquablement de faim si «son» dépotoir venait à fermer. Or, l'oiseau le plus mal-aimé du monde n'est pas, loin s'en faut, le vidangeur paresseux que l'on croit, vient de trouver une étude.
Portant sur le très commun goéland à bec cerclé (Larus delawarensis) - semblable au «classique» goéland argenté, mais plus petit et portant un cercle noir autour du bec au lieu d'une tache noire -, l'étude consistait à suivre les déplacements des oiseaux à l'aide de GPS. La position des animaux était calculée toutes les quatre minutes, pendant d'un à trois jours selon le cas. En tout, 122 spécimens ont pu être suivis, provenant tous d'une immense colonie de 50 000 nids de goélands dans les îles de Varennes, à l'est de Montréal.
C'est un étudiant en biologie à l'Université du Québec à Montréal, Martin Patenaude-Monette, qui a abattu la besogne dans le cadre d'une maîtrise sous la supervision du professeur Jean-François Giroux.
«Il y a toujours ces préjugés sur le fait qu'ils mangent surtout des déchets en ville ou dans des sites d'enfouissement [...], mais seulement 10 % des trajets [établis grâce aux lectures GPS, soit environ 450 allers-retours] se sont arrêtés dans des sites d'enfouissement, et c'est relativement rare qu'ils s'arrêtent dans des milieux urbains», dit M. Patenaude-Monette.
Milieux agricoles
En fait, poursuit-il, «les sites qu'ils sélectionnent le plus, c'est beaucoup les milieux agricoles. Au début de la nidification, quand les cultures intensives comme le maïs et le soya sont dénudées et que les tracteurs vont labourer, il y a beaucoup de vers de terre et d'insectes qui vont ressortir, et les goélands vont s'en nourrir».
Curieusement, nuance M. Monette, le contenu des estomacs des jeunes nés l'année même - contenu que les biologistes peuvent étudier en faisant régurgiter les oisillons - révèle qu'une «majorité» de la nourriture qu'ils ingèrent est constituée de déchets domestiques, mais cela pourrait être le fait d'une sorte de biais méthodologique. Les proportions de chaque source de nourriture sont en effet basées sur le poids sec de ce qui constitue les boulettes, ce qui amènerait à sous-estimer l'importance des insectes.
En outre, ajoute-t-il, si l'on trouve d'importantes quantités de déchets comestibles dans les boulettes régurgitées par les jeunes, leur fréquence est plutôt basse.
Quoi qu'il en soit, dit M. Monette, il semble clair que les goélands à bec cerclé s'alimentent à des sources plus diversifiées qu'avant, peut-être parce que l'on déploie maintenant toutes sortes de moyens pour effaroucher les goélands de nos dépotoirs. En effet, L. delawarensis était littéralement absent de la région de Montréal dans les années 50. Sa population a évidemment explosé par la suite, mais elle est maintenant stable - une hypothèse probable étant le recours intensif aux fauconniers dans le dépotoir le plus proche. Cela pourrait les avoir incités à diversifier leurs sources.